A propos du numéro de mai 2003

L’article de notre camarade Marc Flender (92) Pour qui roulent les polytechniciens “, paru dans le numéro 585 de mai 2003, a suscité un assez grand nombre de réactions.

Il souligne, en effet, les problemes majeurs de notre époque:

la mondialisation, le libéralisme, le tiers monde, la démocratie. Il n’est pas possible de reproduire toutes les lettres de nos camarades à ce sujet, d’autant que certains arguments se retrouvent dans plusieurs d’entre elles. Cependant, les questions étant à la base des difficultés de notre temps, La Jaune et la Rouge en publiera des extraits dans plusieurs numéros successifs. Nos camarades trouveront ici les réactions de Lionel Stoléru (56) et de Pierre Segond (51).

Réponse à un “polytechnicien par hasard”


Lionel Stoléru (56)

L’article de Marc Flender (92) dans notre revue de mai m’a profondément choqué.

Tout d’abord, bien sûr, par ses attaques contre les “Petits-déjeuners polytechniciens” que j’anime depuis quinze ans, où il n’est jamais venu malgré les places gratuites offertes aux élèves, et qu’il critique comme siège de la pensée unique. Nous y avons reçu autant de respon­sables politiques de droite que de gauche, ainsi que des acteurs aussi divers que Bemard Thibault (CGT), François Chérèque (CFDT), Dalil Boubakeur, Noèl Mamère, Patrick Poivre d’Arvor, l’ambassadeur des Etats-Unis, l’ambassadeur d’Israél, etc., le tout en libre débat avec nos camarades.

Mais ce qui me désespère le plus dans son propos, c’est son scepticisme généralisé : avoir fait “Polytechnique par hasard”, comme il le dit, ne croire en rien à 30 ans, mépriser la “caste dirigeante” comme si l’on n’était pas en démocratie, quelle tristesse Moi, fils d’immigré, je n’ai pas fait Polytechnique par hasard, j’ai voulu y entrer, j’ai bossé pour, j’ai apprécié la qualité de son enseignement, la gratuité parce que je n’avais pas un sou et j’en suis sorti avec la volonté d’apporter ma contribution à la patrie et aux sciences, sinon à la gloire*.

J’ai rencontré dans ma carrière plein de bons esprits scep­tiques, blasés de tout, incapables de rien faire par eux-mêmes : ils venaient souvent de Sciences Po, presque jamais de l’X. Ce qu’on apprend à l’X, c’est le doute constructif, pas le doute intellectuel parisien, ce doute c¤mstructif décrit par Descartes, ce doute constructif qui amène Newton à découvrir la gravitation universelle en regar­dant tomber une pomme.

Le doute de Marc Flender, il est négatif, il est des­tructeur. Tout le monde a raison, tout le monde a tort. Il n’y a pas de vérité, et toutes les opinions se valent. Pas pour moi : je n’inviterai jamais aux petits-déjeuners poly­techniciens Jean-Marie Le Pen etje n’inviterai jamais non plus José Bové dont la démagogie primaire fait beaucoup de mal à notre pays.

Plus de démocratie à Pôrto Alegre qu’à Davos? Vous plaisantez, M. Flender. Les dirigeants politiques qui vont à Davos ont été élus, ceux de Pôrto Alegre ne peuvent en dire autant.

Je ne suis pourtant pas un apôtre du libéralisme, mais je constate que son alternative, le communisme, était bien pire. Je ne suis pas non plus un chantre d’une démocra­tie dévoyée où la majorité écraserait les minorités, mais je constate, comme Churchill, que les autres systèmes sont bien pires. Je supporte mal les inégalités entre pays pauvres et pays riches mais je constate que, lorsqu’on aide l’Asie, elle se développe et lorsqu’on aide l’Afrique, elle ne se développe pas et que notre modèle de développement n’est sans doute pas celui qui lui convient.

Il me semblait qu’à l’École polytechnique on nous enseignait l’enthousiasme. Après avoir lu l’article de M. Flender, je commence à en douter.

Cf. mon ivre La vie, c’est quoi, monsieur le ministre?— Pion 2003.



Pierre Segond (51)


J’ai lu avec beaucoup d’intérêt, dans le numéro de mai de La Jaune et la Rouge, l’article de Marc Flender. Je pense comme lui que l’économie est loin d’être une science dure, et je souscris volontiers à certaines de ses prises de posi­tion, quoique je croie que nombreux sont nos camarades qui oeuvrent pour autre chose que “l’Entreprise, le Libéralisme et l’Argent “.

Il y a toutefois un point sur lequel je suis en complet désaccord avec Marc Flender : il s’agit de la TVA, qu’il qualifie d’impôt “inégalitaire par excellence “. Or la TVA contribue à la justice fiscale car elle s’applique à toute dépense quelle que soit l’origine du revenu (revenus du patrimoine, moins taxés que les revenus du travail, travail au noir, trafics en tous genres). Elle a l’avantage de s’ap­pliquer aux dépenses faites par les non-résidents et aux pro­duits importés, contrairement aux impôts directs qui péna­lisent la production nationale. Mais surtout elle permet de réduire fortement les inégalités, comme le montre l’exemple du Danemark, qui est à la fois le pays le moins inégalitaire du monde et celui où le taux de TVA est le plus élevé. (Il est de 25 %, même sur les produits de pre­mière nécessité.)

La raison en est simple : c’est grâce aux ressources de la TVA que peuvent être financées les énormes dépenses de l’État-providence (les crèches, le système de santé, etc.), et ceci sans nuire à la compétitivité du pays. Malgré un taux record de prélèvements obligatoires, l’économie danoise est dynamique, le PIB par habitant dépasse largement le nôtre, le taux de chômage est de l’ordre de 5 %, et le cli­mat social bien meilleur que chez nous. Grâce en soit ren­due à Maurice Lauré !


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